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Première de couverture document SSEF

Stratégie sectorielle de l’éducation : réformes aux résultats mitigés


Des efforts structurels sont observés dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie Sectorielle de l’Education et de la Formation (SSEF), mais avec des effets contrastés.


« Une dynamique engagée, des résultats contrastés, et des défis persistants ». Tel est résumée la conclusion de la Revue conjointe de la Stratégie Sectorielle de l’Education et de la Formation 2023-2030 (SSEF), tenue à Yaoundé en juillet 2025. L’ensemble des acteurs du secteur éducatif camerounais était réuni pour faire le point, en vue de dégager les avancées et les défis encore à relever. Mieux, proposer des palliatifs aux manquements que l’on peut encore observer dans la mise en œuvre de cette stratégie sectorielle.

L’analyse transversale des dynamiques éducatives, sur la période 2023-2024, montre qu’il y a « une dynamique de réforme engagée, traduite par des efforts structurels notables en matière d’accès, de qualité des apprentissages et de gouvernance. Cependant, elle reste confrontée à des résultats contrastés, révélant la nécessité d’un réajustement stratégique à mi-parcours de la mise en œuvre de la Stratégie Sectorielle de l’Éducation et de la Formation (SSEF) 2023–2030. » C’est du moins ce qu’indique la conclusion du rapport de la Revue, dont La Lettre du CEFAN a eu copie.

Accès : près de 8,5 millions de Camerounais à l’école

S’agissant de l’accès et de l’équité, des progrès importants ont été réalisés en termes de couverture scolaire, notamment dans le préscolaire et le secondaire. La fréquentation scolaire est en hausse. Plus de 8,5 millions de jeunes camerounais étaient à l’école en 2024. Avec une prédominance du primaire qui regroupe 61,9% des effectifs avec 5 289 656 élèves.

La couverture scolaire a aussi évolué. Selon les données disponibles, le taux brut de scolarisation (TBS) est en progression continue dans l’enseignement de base. Courant 2023, il s’est établi à 113,5% dans le primaire, traduisant une couverture scolaire quasi-universelle. Dans le secondaire, il est de 66,2% au premier cycle et de 41,7% au second cycle, en progression par rapport à 2022. Soulignons enfin à ce sujet que les taux d’admission au CP1 (première année du primaire) restent élevés, avec une couverture de 96,8% au niveau national, bien que certaines régions comme l’Extrême-Nord, l’Adamaoua ou le Nord-Ouest enregistrent des niveaux inférieurs à la moyenne nationale.

Ces « résultats » peuvent réjouir, mais ils sont rattrapés par des contraintes liées à des disparités persistantes entre régions, genres et milieux socioéconomiques. Les taux d’achèvement, de transition ou de scolarisation restent significativement plus faibles dans les zones d’éducation prioritaires et dans les régions en crise sécuritaire. Le phénomène des sureffectifs, la vétusté des infrastructures, l’insuffisance des enseignants qualifiés, ainsi que l’insuffisance d’inclusion des enfants vulnérables, réfugiés et handicapés, limitent l’universalisation d’une éducation de base équitable.

Apprentissages : qualité mi-figue, mi-raisin 

Sur la qualité et la pertinence des apprentissages, il existe un contraste évident. Des efforts ont été consentis dans tous les sous-secteurs, et des avancées indéniables observées en matière de couverture infrastructurelle et de soutien à la profession enseignante. Malheureusement, des faiblesses persistent en ce qui concerne les performances scolaires, la maîtrise des apprentissages fondamentaux et l’adéquation formation-emploi.

Entre 2023 et 2024, l’on observe un net recul des acquis scolaires, traduit par une dégradation inquiétante des résultats aux examens officiels, notamment pour le baccalauréat dont le taux de réussite a connu une chute drastique pour s’établir à environ 37,3%. Cette dégradation crée des doutes sur la qualité des apprentissages, l’adéquation des curricula, ainsi que l'efficacité des politiques d’encadrement et de préparation aux examens. Entre temps, l’évolution des taux de redoublement donne une image contrastée selon les niveaux d’enseignement.

Une tendance corroborée par la hausse des taux d’abandon et les difficultés de maitrise des compétences fondamentales révélées par les évaluations des apprentissages. Parallèlement, les efforts engagés en matière de formation technique et professionnelle restent en deçà des attentes, avec une faible insertion socioprofessionnelle des sortants. La gouvernance pédagogique, la formation continue des enseignants, et l’articulation entre la formation et l’emploi demeurent des leviers prioritaires.

Financement : mobilisation encore insuffisante

Enfin, pour ce qui est de la gouvernance et du renforcement du système éducatif, l’État a consenti des efforts budgétaires soutenus, avec une progression du financement public du secteur. Toutefois, relève le rapport de la Revue conjointe, le poids budgétaire de l’éducation reste en dessous des engagements internationaux. Il est même en net décalage avec les objectifs de la SSEF, particulièrement pour l’enseignement supérieur, la formation professionnelle et l’éducation non formelle.

La mise en œuvre effective de la décentralisation, la gestion des ressources humaines, la coordination des interventions des partenaires techniques et financiers, ainsi que l’instauration de mécanismes de redevabilité, demeurent des chantiers structurants pour la consolidation des acquis.

En somme, les défis restent nombreux. Et rien ne laisse présager que les objectifs assignés à la SSEF 2023-2030 seront entièrement atteints. La seule condition pour y parvenir serait que les pouvoirs publics prennent à bras-le-corps ces problématiques pour les adresser, en tenant bien sûr compte des avis de toutes les parties prenantes.